Holdings animatrices : L’horizon s’éclaircit

 

Le 13 juin 2018, le Conseil d’Etat a amélioré le régime fiscal des détenteurs de titres de holding animatrice.

 

Vigilance néanmoins, la Cour de cassation ne s’étant pour l’instant pas ralliée à la position du Conseil d’Etat.

 

Très souvent, les contribuables structurent leur entreprise sous la forme d’un groupe de sociétés. Lorsque les titres de la holding de tête sont cédés ou donnés par le contribuable, par exemple, il s’avère compliqué de faire appliquer les mesures fiscales de faveur, telles que l’exonération « Dutreil » appliquée aux droits de donation et de succession. En effet, la société détentrice des filiales doit être qualifiée de holding animatrice du groupe (HAG) pour pouvoir en bénéficier. Or, le concept de HAG est particulièrement difficile à saisir, notamment car il varie selon les régimes fiscaux auquel il est appliqué. Un arrêt du Conseil d’Etat du 13 juin 2018, rendu en séance plénière, laisse cependant augurer de meilleurs jours.

Les faits.

En 2006, des personnes physiques vendent les actions de leur holding, elle-même détentrice de 95% du capital d’une société, une PME industrielle fabriquant des chemins de câbles électriques. Ils estiment que leurs plus-values de cession bénéficient de l’abattement pour durée de détention applicables aux gains réalisés par les dirigeants partant à la retraite, en vertu de l’ancien article 150-0 D ter du Code général des impôts (CGI). Les services fiscaux refusent l’application de l’abattement au motif que la holding n’est pas animatrice pour deux raisons : la holding n’a pas conclu de convention d’animation avec sa filiale, mais aussi parce qu’elle exerce une activité civile à titre principale « compte tenu de la valeur de ses autres actifs rapporté à la valeur historique des titres de sa filiale ».

L’activité d’animation est assimilable à une activité opérationnelle.

L’un des apports de cet arrêt est d’avoir considéré qu’une HAG est assimilable à une société opérationnelle, qui est donc en tant que telle éligible au dispositif des dirigeants partant à la retraite. Le Conseil d’Etat définit la HAG ainsi : « Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe et doit, par suite, être regardée comme une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière […] ». Le Conseil se réfère pour cela à la loi fiscale, éclairée par les travaux parlementaires à l’époque du vote du dispositif de l’article 150-0 D ter du CGI. Une considération qui tranche avec la jurisprudence des juridictions judiciaires qui considère, quant à elle, que le principe même de la holding animatrice n’existe que parce qu’il s’agit d’une faveur de sa part, sous-entendant que la HAG n’exerce pas d’activité opérationnelle. « La Cour de cassation fait en outre prévaloir la conduite de la politique du groupe et le contrôle des filiales, ce qui se prouve assez souvent par une convention d’animation - et des documents écrits justifiant de l’impulsion de la stratégie par la holding et du contrôle des résultats de l’application de cette stratégie par les filiales - , et ne s’est pas encore précisément prononcée sur les critères d’appréciation de la notion d’activité principale », ajoute Thomas Maertens, notaire associé à l’Etude Lacourte.

Un faisceau d’indices pour caractériser les critères principaux de l’animation.

Après avoir affirmé que l’activité d’animation est une activité opérationnelle, le Conseil d’Etat a dû apprécier que la société de tête exerce bien l’activité de HAG de manière continue durant les cinq dernières années précédant la cession. Dans un premier temps, et pour prouver l’activité d’animation - la participation active de la holding à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de la filiale -, le Conseil d’Etat a eu recours à la méthode du faisceau d’indices.  Tout d’abord, la société holding détenait 95 % de sa filiale. Ensuite, le président directeur général de la société mère est également celui de la filiale. En outre, des personnalités qualifiées indépendantes, spécialisées dans le secteur de la filiale, étaient membres du conseil d’administration de la société holding. De plus, le Conseil d’Etat indique que des procès-verbaux de conseils d’administration de la société holding attestent de sa participation, dès 1999 à la conduite de la politique de la filiale et des filiales de celle-ci, en faisant état de plusieurs actions concrètes qui vont au-delà de l’exercice des attributions que la holding tire de sa seule qualité d’actionnaire : recherche de nouveaux partenaires, détermination de projets de recherche et de développement. Relevons que, selon les commentaires du rapporteur public, Yohann Bénard,  les termes de la convention d’assistance conclue entre la société holding et sa filiale apparaissaient peu convaincants voire contre productifs. Georges Civalleri, avocat associé chez Armand Avocats, rappelle, à cet égard, que « l’application de la technique du faisceau d’indices induit que l’existence d’une convention d’animation n’est ni indispensable ni suffisante afin de caractériser le rôle animateur de la holding, car, faute de démontrer l’application effective d’une telle convention à travers l’existence d’actions concrètes, de compétences et d’une structure de gouvernance au sein de la holding permettant l’exercice d’une telle animation, une convention d’animation ne saurait démontrer l’existence, à elle seule, de l’animation de la filiale ».

La holding doit être principalement animatrice.

Le Conseil d’État reconnait implicitement que les participations non animées minoritaires ne font pas obstacle à la caractérisation d’holding animatrice de groupe

Georges Civalleri, avocat associé, Armand Avocats

Dans un second temps, la Haute juridiction administrative a estimé, sans faire référence à aucun texte, que l’activité d’animation devait être principale, la part de la participation animée dans la filiale devant représenter au moins 50% de l’actif de la holding. « À ce titre, le Conseil d’État reconnait implicitement que les participations non animées minoritaires ne font pas obstacle à la caractérisation d’holding animatrice de groupe, refusant d’appliquer une approche sectorielle. Ainsi lorsque la qualification de HAG est retenue, elle emporte des conséquences pour l’intégralité de la holding », relève Georges Civalleri. Pour apprécier le caractère principal de l’activité d’animation,  le Conseil d’Etat se réfère aux valeurs réelles et non à la valeur comptable historique, ainsi que l’avait requis l’administration fiscale. Les juges administratifs considèrent que la société holding a été cédée pour un prix total de 48,4 millions, dont 27,5 millions d’euros – soit 56,2% - correspondaient à la valeur vénale de la filiale. Le quota des 50% est donc rempli. Le Conseil d’Etat a également admis que le caractère animateur de la holding peut être constaté car les liquidités de la holding ont été investies en titres de placement qui ont cru continûment pendant les cinq années précédant la cession, « ce qui permet de considérer que pendant cette période de cinq ans, la part de la valeur vénale de la filiale dans l’actif de la société de tête a décru pour atteindre, à la date de la cession, le chiffre de 56,2% ». Georges Civalleri ajoute, cependant, que « selon Yohann Bénard, rapporteur public sous l’affaire précité, le critère relatif au caractère principal de l’actif brut pourrait ne pas être le seul critère apprécié par le juge de l’impôt en présence d’actifs au sein de la HAG n’ayant ni lien ni rapport avec les participations animées. »

Portée de la décision du Conseil d’Etat.

En pratique, il convient d’être vigilant, la Cour de cassation ne s’étant pour l’instant pas ralliée à la position du Conseil d’Etat

Thomas Maertens, notaire associé, Lacourte Notaires

En affirmant le caractère opérationnel de l’animation, cette décision du Conseil d’Etat fait espérer les observateurs l’établissement par la loi d’une définition universelle de la HAG, qui serait applicable à tous les régimes fiscaux qui font appel à cette notion d’animation pour leur application, sécurisant ainsi les opérations. La décision du Conseil d’Etat pourra-t-elle s’appliquer à tous les régimes fiscaux, en plus de l’article 150-0 D ter du CGI ? A ce stade, il n’est pas évident de l’étendre, sauf à vérifier les modalités d’adoption des textes considérés, le Conseil d’Etat se référant, dans la présente décision, à l’intention du législateur de bien inclure l’activité d’animation dans le champ de l’article 150-0 D ter du CGI, dans les travaux parlementaires présidant à l’adoption dudit texte. « En pratique, il convient d’être vigilant, la Cour de cassation ne s’étant pour l’instant pas ralliée à la position du Conseil d’Etat. Or les juridictions judiciaires ont connaissance des litiges relatifs aux droits d’enregistrement et d’ISF (pour le passé), mais aussi d’IFI (depuis 2018, pour la valeur correspondant à l’immobilier d’entreprise du groupe). L’exonération « Dutreil » est donc concernée », précise Thomas Maertens. Observons enfin que la décision du Conseil d’Etat est en harmonie avec le nouvel article 966 du CGI qui prévoit que l’activité de holding animatrice est commerciale au regard de l’impôt de solidarité sur fortune immobilière.