Réponse Ministérielle CIOT du 23 février 2016 : Des enseignements …. à la stratégie patrimoniale

Une récente réponse ministérielle CIOT met un terme à l’application de la réponse ministérielle BACQUET,  pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016.

Jusqu’à la publication de cette réponse, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits (ou co-souscrits) par le conjoint survivant au moyen de fonds communs et non dénoués au décès du premier époux, dépendait pour moitié de la succession du conjoint décédé. Cette valeur subissait la taxation aux droits de succession pour les héritiers autres que le conjoint survivant. Au décès du conjoint survivant souscripteur, 100% de contrat se dénouait et subissait alors une seconde fiscalité, au profit des mêmes héritiers, le plus souvent, au titre de l’article 757B du CGI ou 990I du CGI.

 

Les enseignements de cette réponse ?

Même si la réponse CIOT annule les effets fiscaux de la réponse ministérielle BACQUET, elle s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation,  en confirmant sans équivoque que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit au moyen de fonds communs par le conjoint survivant constitue un actif de communauté.

 La réponse CIOT affirme la neutralité fiscale, au premier décès, de la moitié de la valeur de rachat des contrats d’assurance vie, au regard des droits de succession dus par les héritiers (c’est à dire tous les héritiers autres que le conjoint survivant).

 La réponse se situe sur le seul terrain fiscal et en droit civil, les héritiers héritent bien d’un droit. Mais de quel droit ?

     - Un droit sur la valeur de rachat directement en devenant co-souscripteur ?

     - Un droit de créance sur le conjoint survivant ?

Comment sécuriser le droit des héritiers, s’ils ne sont pas les enfants du conjoint survivant ou s’ils n’étaient pas les bénéficiaires du contrat en question ?

Enfin, pour assurer la neutralité fiscale, tout en garantissant le droit des héritiers (souvent les enfants), il conviendra de procéder, d’abord, à une liquidation civile de la succession en intégrant la valeur de rachat (c’est le sens de la première partie de la réponse CIOT) pour, ensuite, procéder à une liquidation purement fiscale sans l’intégration de cet actif dans la masse taxable, sans considérer qu’il s’agit d’un propre au conjoint survivant.

 

Les stratégies à envisager

 Au premier décès  comment constater les droits respectifs du survivant et des enfants sur la valeur de rachat des contrats concernés et à quelle(s) condition(s) ?

 

Des solutions à déconseiller...

Faut-il procéder à un rachat partiel du contrat à hauteur de la moitié de la valeur et isoler ce montant sur un nouveau support avec les droits des enfants ?

Cette solution semble plus réalisable que la première. Si elle devrait échapper au droit de partage, le rachat partiel subira la fiscalité sur le revenu (prélèvement libératoire et prélèvements sociaux) et, éventuellement, pour certains patrimoines l’effet du déplafonnement de l’ISF.

 Faut-il attribuer l’actif au conjoint dans un partage sur les droits lui revenant dans la communauté et la succession ?

Cette solution présente le mérite de la simplicité. Il serait alors procédé à un partage partiel d’actifs où il sera attribué l’intégralité de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie en question au conjoint survivant et d’autres actifs aux enfants en contrepartie.

Cette solution souffre, cependant, d’une pénalisation forte en raison de sa soumission pour l’ensemble des actifs concernés au droit de partage de 2,5%. Cette taxation concerne aussi la part des actifs revenant au conjoint survivant même si ce dernier est exonéré de droits de succession.

 Des solutions à recommander 

 Tout d’abord, il est possible d’avoir recours à la clause de préciput dans un contrat de mariage, sur le contrat d’assurance-vie en question ; cette solution semble pertinente. Le conjoint pourra prélever le contrat avant tout partage de la communauté. En présence d’enfants communs, le conjoint conserve librement l’usage du contrat sans avoir à rendre de comptes à ses enfants. En présence d’enfants non communs, ces derniers bénéficient  de l’action en retranchement sur l’avantage reçu par le conjoint survivant qui devra alors verser une indemnité à ces enfants.

 Ensuite, la faculté de cantonnement exercé par le survivant dans le cadre d’une donation au dernier vivant. Ce mécanisme permet d’arriver sensiblement au même résultat que par la biais d’une clause de préciput. Le survivant, sur les droits lui revenant en pleine propriété dans la succession de son conjoint, décide d’appréhender sur ses droits la moitié de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie dépendant de la succession (l’autre moitié lui revenant dans la communauté). Cette opération peut se réaliser sans l’accord des enfants et n’est pas soumise au droit de partage.

 Enfin et peut-être est-ce la solution la plus simple en présence d’un démembrement de propriété entre le conjoint et les enfants, il serait possible de conclure une convention de quasi-usufruit sur la moitié de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie concernés. Le conjoint survivant pourra alors librement procéder au rachat des sommes et les enfants auront la possibilité, au décès du conjoint survivant, de faire valoir leur créance sur son patrimoine. Naturellement il sera conseillé d’encadrer cette convention de quasi-usufruit, notamment en organisant une garantie au bénéfice des nus propriétaires, surtout en présence d’enfants non communs ou de remariage du conjoint survivant.

 

Laurent Guilmois
Notaire associé

Fiscalité Patrimoine et Entreprise
Ancien ingénieur patrimonial et fiscal

Chargé d'enseignement en fiscalité du patrimoine à Sciences Po Paris